Vers une démarche citoyenne …

Thierry MARX, Chef Exécutif & Directeur de la Restauration du Mandarin Oriental, Paris, est aussi un citoyen engagé. Il travaille activement à façonner l’hôtellerie-restauration de demain, entre retour aux sources et innovation.

« L’hôtelier et le restaurateur doivent être des citoyens engagés »

Parrain d’EquipHotel, il se fait l’ambassadeur d’une prise de conscience nécessaire, décrypte les évolutions du secteur et donne les clés pour se réformer en s’adaptant aux nouveaux modes de consommation.

Quelles évolutions prévoyez-vous dans l’hôtellerie de demain?

L’hôtellerie a pris une vraie gifle avec Airbnb, que ce soit l’hôtellerie de luxe ou celle moyenne gamme et bon marché. Tout le monde s’est heurté aux nouvelles façons de partager et de consommer. Airbnb nous a envoyé un message fort : il faut le comprendre et adapter notre offre.

Est-il encore utile de fournir un service de conciergerie ? Les clients arrivent avec un concierge dans leur poche. Ne serait-il pas plus intéressant de créer un poste de lifestyle manager qui pourrait repenser le métier de concierge, et proposer des animations sur site, plutôt que de vendre des prestations en dehors de l’hôtel ?

En se projetant, nous pouvons anticiper les mutations. Il faut s’appuyer sur les jeunes, qui ont déjà intégré ces nouveaux modes de consommation, et comprendre la manière dont ils entrevoient l’hôtellerie de demain.

L’hôtellerie va dans le sens de la personnalisation. Le client veut vivre une expérience. Or l’expérience dans notre secteur est extrêmement éphémère. Toute la problématique de notre métier consiste donc à rendre l’expérience mémorable. Et cela passe par des expériences qui ont un impact social et environnemental.

Aujourd’hui, ce n’est pas la technologie dernier cri que le client recherche, les iPads et les écrans plats : il a déjà mieux chez lui. Le plus important c’est au contraire la qualité du contact humain.

Seulement le bon fonctionnement de cette mécanique s’appuie sur la ressource-métier. Sans elle, il ne peut y avoir d’expérience client réussie. Les enjeux, ce sont donc la formation et l’information.

Face aux mutations du secteur de l’hôtellerie-restauration, dans quel sens la formation doit-elle selon vous évoluer ?

Les écoles hôtelières telles qu’elles ont été conçues au XXe siècle n’apportent pas de solution pertinente. Aujourd’hui, les élèves apprennent plus vite et baignent dans la culture numérique. Ils ont donc besoin de formations plus rapides et plus efficaces. Il faut leur donner la possibilité de grandir plus vite pour qu’ils s’épanouissent plus rapidement dans nos métiers.

Il faut ramener la formation à une montée en compétence en situation. Plus nous allongeons la durée du diplôme, moins nous nous approchons de la solution. Aujourd’hui, les écoles de commerce créent de masters en hôtellerie : les étudiants font une formation d’un an à peine et finiront directeurs généraux à la place des élèves issus d’écoles hôtelières. Les métiers de l’hôtellerie-restauration se transforment : il faut essayer de comprendre ces changements et s’y adapter.

C’est là tout le travail que nous faisons aujourd’hui avec « Cuisine Mode d’Emploi » et « Boulangerie Mode d’Emploi »,pour former des personnes à nos métiers en 12 semaines.

C’est une démarche rendue nécessaire par le fort turnover et la déperdition de main d’œuvre.

 

Comment donner du sens aux collaborateurs pour les motiver?

Un mot : « projet ». Moi, je ne pose qu’une question à mes collaborateurs : « où vous voyez-vous dans 2 ans ? » Le reste ne m’intéresse pas. Ils m’aident à atteindre mes objectifs et je les aide à construire leur projet professionnel. C’est une relation de confiance. Avec le collaborateur, il n’y a pas qu’un rapport de salariat. Le salaire, c’est ce que nous payons pour une solution-métier, mais il faut la faire évoluer, sinon nous créons des frustrations.

Les hôteliers et les restaurateurs ont une responsabilité sociale.

Au Mandarin Oriental et dans mes écoles d’insertion, j’ai par exemple créé une école de théâtre en anglais pour que des collaborateurs qui n’ont pas eu l’occasion d’apprendre la langue puissent s’y initier.

Les hôteliers doivent comprendre que nous sommes ceux qui vont créer la ressource-métier.

 

L’heure est à la prise de conscience environnementale.

De plus en plus de chefs cultivent par exemple leur potager. C’est dans cette démarche que vous vous inscrivez, notamment avec votre engagement HQE™ (Haute qualité environnementale)?

J’ai référencé 350 hectares d’agriculture bio entre Chartres et Orléans. Je travaille avec des partenaires qui ont un impact environnemental, mais également social.

Il faut bien différencier les démarches citoyennes des démarches marketing. Mettre un jardin sur le toit de son hôtel ne fait pas d’un hôtelier un citoyen engagé. Les 10 pieds de tomates sur le toit ne représentent rien sur le plan de la production. Il faut faire bon usage de ce jardin, en en faisant par exemple un jardin pédagogique.

Aujourd’hui, l’hôtelier et le restaurateur doivent être des citoyens engagés. Les impacts sociaux et environnementaux font partie de l’expérience client.

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