Le Club des Directeurs de la Restauration et d’Exploitation France regroupe 130 Directeurs de la Restauration et de l’Hôtellerie 4 et 5* en France et Monaco.
Rencontre avec Emmanuel Taillandier, président du Club des directeurs de la restauration et de l’exploitation (CDRE), sur la transmission de l’Art de Recevoir et ses évolutions
Le Club des directeurs de la restauration et de l’exploitation (CDRE) entend assurer la longévité de « cette belle profession », notamment en créant un cadre de bonnes pratiques et d’échanges d’informations. Il participe aussi à la promotion de son enseignement, en mettant en lumière les perspectives de carrières et en facilitant l’insertion professionnelle des jeunes talents. Ces valeurs sont chères au président du club et membre actif depuis plus de 27 ans, Emmanuel Taillandier, par ailleurs directeur adjoint de l’hôtel Monte Carlo SBM.
Les enjeux de la profession hôtelière pour les prochaines années.
La profession hôtelière est complètement chamboulée par l’émergence de nouvelles générations qui ne sont plus sensibles au même service que celui proposé jusqu’à présent. Pour Emmanuel Taillandier, le premier enjeu est de comprendre et d’adapter l’offre à cette clientèle de demain particulièrement mystérieuse. Il s’agit de décrypter sa façon d’être, sa vie, sa façon de communiquer pour pouvoir anticiper le service qui lui convient. Il faut capter son intérêt mais de façon profonde et tangentielle car l’intérêt éphémère ne suffit pas. A titre d’exemple, le CDRE tient une réflexion sur la création d’un hôtel sans étoiles parce que l’hôtellerie telle qu’elle existe aujourd’hui présente beaucoup de normes et l’une des clés de ces élites montantes de pays émergents est le désintérêt pour la norme.
L’enjeu est cependant double car il faut à la fois adapter l’offre à des attentes nouvelles que l’hôtellerie ne connaît pas encore mais également être capable de s’entourer de collaborateurs qui seront répondre à ces attentes. Cet enjeu est particulièrement délicat car, comme le souligne Emmanuel Taillandier, le déséquilibre entre l’offre et la demande dans cette industrie est terrible. La pénurie de main d’œuvre hôtelière en France est alarmante pour le président du CDRE. Ces métiers demandent une maîtrise technique et un talent qui fait partie du patrimoine français mais qui ne sont pas suffisamment mis en avant lors de l’orientation des jeunes. Ces métiers représentent le fondement même de l’art de recevoir à la française et de sa gastronomie. Il est de plus en plus compliqué d’attirer des apprentis car ceux-ci se détournent des métiers techniques. De même qu’il est compliqué de retenir en France les jeunes talents qui, conscients de leur valeur à l’international, choisissent régulièrement l’expatriation. Ce phénomène représente un risque pour l’exploitation et la qualité de service client ; il en est de même pour la transmission de l’art de recevoir et de la gastronomie française, c’est pourquoi le CDRE agit sur le réseau et la transmission pour recréer un engouement vers ces beaux métiers.
La place du digital dans l’évolution de la profession hôtelière.
Le digital, Emmanuel Taillandier le visualise comme un support de service qui change la façon de découvrir et de réserver des établissements hôteliers. Il est en effet inconcevable aujourd’hui qu’un client n’ait pas été en contact avec l’hôtel au préalable de son séjour via des applications mobiles ou sites internet. Un réel métier d’image, de réputation et de communication sur les réseaux sociaux est donc né pour cette industrie. Il est indispensable de concevoir les outils, les techniques marketing et l’animation du réseau pour rester compétitif. Toute la difficulté réside dans l’art de faire coïncider l’image perçue et la promesse faite au client. La data base est également une conséquence du digital et une vraie ressource pour tous les établissements. La qualité des données est au moins aussi importante que l’accueil client en restaurant ou à l’hôtel. Cela nécessite un travail en amont du parcours client, qui est désormais obligatoire pour préparer l’arriver du client en prenant contact avec lui avant sa visite, puis faire de la rétention à distance et une évaluation de sa satisfaction après sa venue.
Cependant le digital est également considéré désormais comme un « service de base » par le client. Créer un environnement digital, notamment dans la chambre, nécessite des investissements importants et l’attente client est forte. Aujourd’hui la qualité du wifi dans son parcours (la chambre, les parties communes et le restaurant) est l’une des trois plus grandes attentes d’un client vis-à-vis de son hôte. Ce n’est pourtant pas si facile à mettre en place et nécessite des investissements lourds mais c’est un prérequis qui pèse lourd dans la satisfaction client. Ce dernier ne conçoit pas d’être déconnecté et s’il l’est il ne faut pas que ce soit long. La plupart du temps le client demande également une multi-connexion. En moyenne, il faut pouvoir connecter simultanément 4 appareils dans la chambre pour satisfaire le client.
En ce qui concerne l’avenir des hôtels connectés, M. Taillandier parie sur une évolution plus lente bien que la technologie soit déjà là. Selon lui, les applications sont pour le moment plus ludiques qu’efficaces, cependant les évolutions vont dans le sens de la praticité pour le client et la réduction des points d’insatisfaction. A titre d’exemple, le payement dématérialisé permet presque d’effacer le moment désagréable de la transaction pour le client ou la prise de commande connectée permet d’éviter de devoir faire la queue au bar ou de sortir de sa chambre d’hôtel. A l’intérieur de la chambre, le digital permettra également fort probablement d’améliorer le « cross-selling », par exemple en stimulant l’intérêt du client pour les différents services de l’hôtel présentés par des tablettes intelligentes qui personnalisent leur contenu en fonction de l’âge, de la nationalité, du genre ou du type de chambre que le client occupe.
Le rôle des grands hôtels de luxe dans la transmission de l’Art de recevoir à la Française
Comme le prône le CDRE, pour son président, le rôle des grands hôtels se tient dans un premier lieu dans le partage de bonnes pratiques et l’échange d’informations entre paires. Rencontrer des professionnels de sa région dans des hôtels 4 ou 5 étoiles permet de partager les expériences, de se confronter et de tirer partie des différentes idées échangées pour toujours innover et apprendre.
Dans un second temps, il y a aussi un vrai sens du devoir de transmettre. Le CDRE échange entre 120-130 membres professionnels de l’hôtellerie de luxe mais selon Emmanuel Taillandier, le vœu le plus cher de chacun de ces membres est de partager leur passion du métier. C’est d’ailleurs le souhait du club avec la remise annuelle de trophée qui regroupe 15 lauréats chargés d’accompagner les jeunes nominés avec un regard bienveillant, un désir d’entraide et une dimension éducative. Pour ces professionnels, il existe une déconnexion entre la réalité du métier et ce que les jeunes apprennent à l’école, donc rien de plus efficace que de former eux-mêmes les futures talents de leurs établissements et de les accompagner dans cet apprentissage rigoureux et passionnant.
Reconnu pour son expertise internationale sur les hôtels de luxe au travers son magazine, Laurent Delporte partage sa vision et ses expériences du monde hôtelier sur son site DELPORTE Hospitality. Il décrypte les coulisses du secteur ; de la restauration à l’hébergement, en passant par l’architecture et la qualité de services. Ses interviews, conseils et articles sont des supports pragmatiques auxquels peuvent se référer professionnels et particuliers dans leur quête d’informations.