Vers une quête de sens

Cette période inédite nous amène à partager certaines vérités que nous ne souhaitons pas toujours regarder en face. L’hôtellerie de luxe et haut de gamme court à la superficialité depuis une vingtaine d’années jusqu’à en oublier son objectif premier, à savoir créer des lieux où les hôtes doivent pouvoir dormir, se reposer, se nourrir, se restaurer et entretenir leur vitalité.

 

Construction ou rénovation, la clef n° 1 du succès

De nombreux investisseurs aujourd’hui sont fiers de la rénovation ou de l’ouverture de leur hôtel, car ils ont choisi un architecte parmi ceux qui ont fait le plus d’hôtels, les plus grands, les plus beaux, les plus magnifiques, les plus prestigieux. Ils ne se posent pas réellement de questions sur ce qu’ils souhaitent apporter réellement. Alors, l’architecte dessine librement et crée l’hôtel comme il a envie de l’imaginer. C’est bien plus simple pour lui car il n’a pas de contraintes.

Malheureusement, peu de propriétaires se posent les questions suivantes : quelle est l’âme du lieu? comment la respecter, comment vais-je apporter du bien-être, de la vitalité à mes hôtes ? Quels investissements suffisants dois-je prévoir pour apporter un maximum de confort qui permettra à mes hôtes de se sentir bien ? Comment définir ces points, les anticiper ? En un mot, quel brief vais-je transmettre à l’architecte ? C’est un document essentiel qui nécessite des semaines de préparation, de discussions, de réflexion pour que chaque idée devienne mature. Une fois ce travail terminé, c’est alors le moment d’aller chercher un architecte sur des critères bien déterminés pour trouver celui qui correspondra le mieux au projet. Chaque architecte a du talent bien évidemment, et encore davantage quand il y a un projet cadré qui s’enrichira au fil des interventions de chaque partenaire et de lui-même en particulier. Il y a trop de projets qui se résument à juste sortir un hôtel correspondant à des critères énumérés dans une classification hôtelière et à la recherche d’économies à tous les niveaux qui se feront au détriment du bon sens en raison de l’absence de la réflexion initiale nécessaire par rapport à de tels enjeux financiers.

Bien souvent, les investisseurs veulent le maximum pour un budget de rénovation faible. Les architectes doivent alors faire preuve d’un grand sens de l’économie et ils le feront d’une façon bien souvent inadéquate et en dépit du bon sens pour le projet. Il est important de créer une équipe autour d’un tel projet. La relation binaire investisseur et architecte n’est pas bonne. Elle n’apporte pas grand-chose, c’est oui ou c’est non, c’est gris ou c’est blanc. Il n’y a pas de débats et pas de réels échanges constructifs qui challengent chacune des idées. À l’inverse, une équipe projet autour de plusieurs personnalités complémentaires et un chef de projet indépendant des intérêts des uns ou des autres engendrent davantage de créativité, de réflexion, de remise en cause qui au final permettront de sortir un projet viable dans la durée et fort de sens. 

 

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Un lit 100 % naturel / crédit photo : Stephane-Michaux

Le bien dormir, la raison d’être d’un hôtel

Souvenez-nous, pendant longtemps, il y avait une porte entre la chambre et l’entrée de la chambre. Elle permettait d’isoler des bruits venant de l’extérieur et de se couper du dressing et de la salle de bain. C’était un bénéfice pour le client mais maintenant, pour des raisons budgétaires, elle est quasiment supprimée à chaque rénovation.

Un autre élément qui s’est dégradé au fil des années et des rénovations est celui de la possibilité de créer le noir dans la chambre. Les investissements autour des fenêtres et des rideaux sont souvent revus à la baisse et là encore en dépit du bon sens alors que c’est à mon sens l’un des points clefs d’une rénovation réussie. Récemment, j’ai séjourné dans un hôtel de montagne classé 5 étoiles dont le propriétaire était fier d’être à la tête d’un établissement qui avait respecté au mieux les critères de cette classification au moment de son ouverture. Et pourtant, à 6 h du matin, quand le soleil s’est levé, une vive lumière a filtré à travers les rideaux et m’a réveillé. Il s’agissait d’un hôtel neuf construit trois années auparavant. Le propriétaire croyait surtout que tout était parfait en ayant respecté les critères de classification. Cependant, s’ils déterminent effectivement un cadre, ces critères sont loin d’être suffisants. En tout cas, il ne faut pas se reposer uniquement sur eux. J’invite les investisseurs à dormir dans chaque chambre afin de découvrir leur établissement et connaître autant ses défauts que ses avantages. J’ai connu un autre hôtel à l’étranger, digne d’un palace, dont la façade était tellement éclairée que la chambre était inondée de lumière pendant la nuit. Là encore, les rideaux laissaient passer la lumière.

Eh oui ! nous oublions l’essentiel. Il y a différentes phases pour dormir, et pour bien dormir, il faut tout d’abord bien s’endormir. Il est nécessaire de prévoir cette phase avec son architecte afin de créer les bonnes conditions. Cela se joue sur la température de la chambre, l’intensité de la lumière, la restauration du soir, et d’autres éléments tout aussi importants. Tous ces points soulèvent beaucoup de questions et de réflexions qu’il faut avoir en tête dès le départ. Pour bien se réveiller, il faut aussi créer les conditions de réussite. Un mauvais réveil peut vous mettre dans un mauvais état d’esprit pour toute une journée. Quand un client paye sa chambre entre 350 et 800 euros, il est en droit d’espérer que toutes ces conditions ont bien été réfléchies.

La digitalisation et la technologisation à outrance de ces vingt dernières années se sont faites à l’encontre du client. Ça fait « in », ça fait « digital », mais bien souvent cela ne permet pas de dormir correctement. La pollution lumineuse dans la chambre est de plus en plus insupportable. Tout d’abord, en face du lit, vous trouverez bien souvent la télévision et sa veilleuse rouge qui dans la nuit apporte une petite luminosité que votre cerveau capte. Parfois, la télévision affiche l’heure, ce qui crée encore plus de lumière. Vous vous retournez et, parfois, il y a une enceinte, une machine à café, un radio-réveil avec leur voyant lumineux également. Au plafond, vous avez un détecteur de fumée qui peut clignoter, ou rester allumer en permanence. Récemment, j’ai même vu une lampe de chevet qui disposait pour l’allumer d’un détecteur de présence avec un voyant lumineux bleu. Celui-ci éclairait une partie de la pièce ainsi que le plafond grâce à un effet de son abat-jour. J’ai voulu la débrancher mais le câble était fixé au mur et quand j’ai voulu mettre un livre sur ce voyant bien gênant, la lumière s’allumait complètement à l’approche de cet objet. Bref, ce type de situation est peu propice à un sommeil serein.

Il y a vraiment maintenant une ribambelle de petites lumières partout dans la chambre !! Sans oublier les prises électriques rétroéclairées dont l’usage est bien souvent incompréhensible quand vous dormez pour la première fois dans la chambre. J’apprécie pour la nuit un éclairage au sol qui s’allume discrètement au moment où l’on pose le pied par terre.

 

Revenir à la naturalité et à la simplicité

Tous ces appareils dégagent des ondes que le cerveau va capter au travers de stimulations électriques du système nerveux qui vont nuire à votre sommeil. Il est peut-être temps de réfléchir à toutes ces questions et de voir ce qui est réellement nécessaire à mettre en place dans une chambre. La question de la naturalité se pose là comme une première piste de réflexion. La naturalité est un concept fondé sur la simplicité et le bon sens des actions. Il s’agit avant tout de dupliquer ce que nous trouvons dans la nature et qui contribue à notre bien-être. La Terre et son environnement nous ont tout mis à portée de main. Nous connaissons tous les bienfaits de la nature, alors il n’y a qu’à les retranscrire dans l’hôtel au bénéfice des clients, des collaborateurs et pour le bien de la planète en général.

La naturalité doit se mettre en place dans tous les points essentiels d’un hôtel : chambre, restauration, spa, bar, les extérieurs. Par exemple, la carte du room-service doit pouvoir proposer des menus dédiés pour le midi et d’autres pour le soir. Ce n’est plus pensable aujourd’hui, avec le niveau de connaissances de nos experts, de proposer des plats qui vont à l’encontre d’un sommeil réparateur. Bien souvent, je vois un chocolat ou un bonbon placé à proximité de la table de nuit encourageant l’hôte à consommer une sucrerie avant de se coucher. Si ce geste est signe de générosité, il n’est pas adapté au bien-être du client. Parfois, l’hôtel propose une sucrerie industrielle de mauvaise qualité sans intérêt là où il faut privilégier les produits locaux. Il en est de même au restaurant, il est préférable de respecter les produits de saison et locaux, de préparer des mets qui contribueront à la santé des clients et il faudra les accompagner dans ce sens.

Le cadre d’un hôtel doit privilégier la naturalité et tout ce qui est naturel par rapport à des produits conçus à l’aide de la chimie. De nombreux matériaux qui se trouvent dans les meubles, les matelas, les armoires, les matériaux de construction, le papier peint, les produits nettoyants aussi et les colles, peuvent dégager des gaz dans l’air ambiant. Ces émanations de gaz sont à éviter. Il y a aussi dans un hôtel, pour des raisons de sécurité, beaucoup de produits ignifugés qui ont certes leur raison d’être mais qui ne sont pas forcément bons pour la qualité de l’air.

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La naturalité : la Transposition de l’expérience Nature dans un hôtel

La question sanitaire, le défi naturel pour demain

Le ménage a toute son importance et les questions sanitaires du moment vont renforcer son importance. Il est particulièrement nécessaire de retirer la poussière afin d’éviter de respirer de mauvais produits. Entretenir un hôtel demande un niveau de connaissances élevé sur les produits utilisés et les risques encourus à la fois pour les collaborateurs qui travaillent sur place au quotidien et pour les clients. Il m’est déjà arrivé de me sentir mal dans une chambre d’hôtel, d’avoir les yeux qui piquent par exemple sans savoir pourquoi. Les questions sanitaires dans l’hôtellerie vont constituer de plus en plus des enjeux commerciaux et pas seulement à l’occasion de l’apparition de virus. L’aération des chambres ou des différentes pièces d’un hôtel doit pouvoir se faire au quotidien. Parfois, cela n’est pas possible dans les immeubles de grande hauteur où le système de climatisation et d’aération joue un rôle majeur. Dans une époque lointaine, les femmes de chambre de l’hôtellerie de luxe n’hésitaient pas à sortir les oreillers pour les secouer à l’extérieur.

Pour assurer un sommeil réparateur à ses hôtes, l’hôtelier privilégiera des produits 100 % naturels ou en tout cas le plus possible pour la literie. Il faut évoluer dans ce sens et responsabiliser les fournisseurs. Le recyclage et le renouvellement des lits sont des enjeux majeurs pour l’environnement. Posez-vous la question sur le devenir de 200 lits dans un hôtel au bout de cinq à huit ans par exemple ? La naturalité est la réponse à cette question.

 

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La chambre ORIGINE, un exemple de la naturalité dans un hôtel présentée au salon Equiphotel

 

Simplicité au profit d’un usage

La naturalité, c’est aussi du bon sens dans l’agencement d’un hôtel. Il s’agit ici de bien réfléchir à son organisation et à celle de tous ses points de vente. Là encore, la nature est un exemple d’organisation parfait. Prenez l’exemple d’un nid d’abeilles ; un essaim dispose d’une organisation incroyable et d’une grande logique ou tout a sa place. Dans la chambre d’hôtel, il faut penser ce lieu avec la plus grande simplicité afin de permettre à son hôte de l’utiliser de façon évidente sans créer des occasions de stress. Tous ces sujets doivent être abordés dans le brief donné à l’architecte afin de réunir toutes les conditions d’un confort idéal en fonction de ses clients.

Par exemple, lors d’un séjour dans un hôtel tout juste ouvert et construit, j’ai eu besoin de brancher mon chargeur d’ordinateur près de mon lit. Pour se connecter à une prise électrique, il fallait retirer la table de nuit, se baisser et poser un genou à terre, puis brancher la prise. Pour un hôtel 5 étoiles et même pour un hôtel 1 étoile, nous aimerions avoir un peu plus de praticité pour faciliter l’utilisation de la chambre. Il y avait d’autres erreurs d’agencement également dans la chambre qui ne m’ont pas donné envie de revenir dormir dans cet hôtel. Quand nous parlons de bien-être, c’est important aussi de créer toutes les conditions pour ne pas énerver ses hôtes et leur éviter tout stress inutile. Et croyez-moi, la chambre est le lieu où il faut bien penser à tous ces petits détails qui feront la différence dans le ressenti du séjour du client. Quand je travaillais au sein de Sofitel, nous étions plusieurs à vérifier toutes ces questions qui se trouvaient par ailleurs dans un cahier des charges pour faciliter le travail des architectes.

Pour terminer, afin de réussir ce que certains appelleront une révolution, il est nécessaire de passer par les équipes. La quête de sens doit aussi avoir un impact auprès des collaborateurs. C’est le temps d’apporter une nouvelle forme de management où chaque métier sera valorisé et où chaque employé sera responsabilisé pour contribuer au développement de l’hôtel. Le système pyramidal et quasi militaire de l’hôtellerie est bien souvent obsolète et de plus en plus remis en cause par les jeunes générations. Chacun a envie de participer à la vie de l’hôtel et non plus de subir les ordres qui viennent d’en haut. L’époque est à la bienveillance et à l’entraide. Les nouvelles générations ont envie de participer aux réflexions, d’apporter leurs idées et leur expérience. Il est fini le temps du « tais-toi et fais ce que je te demande de faire ». Pourtant, cela se ressent encore dans certaines cuisines de grand chef. Un hôtel regroupe des métiers très variés demandant des compétences différentes qui forment un tout. C’est un bel exemple de travail collaboratif entre des personnes aux parcours très variés. Il est important de permettre à chacun de réfléchir sur son métier et sur celui des autres, la force des compétences apportant de la créativité et donc permettant la mise en place de nouvelles idées. Chaque département doit prendre le temps de se remettre en question régulièrement et de travailler avec les autres pour bénéficier de leur œil extérieur.

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