Hotel : Rencontre avec Robert Nadler, CEO Nadler Hotels
Je vous propose une rencontre fort intéressante avec un entrepreneur anglais élevé en France qui a créé un groupe hôtelier au Royaume-Uni après avoir travaillé dans le monde des affaires où il a eu maintes fois l’occasion de séjourner dans de nombreux hôtels. C’est ainsi, qu’il a conçu son groupe hôtelier en partant de sa propre expérience client. Il est orienté 100 % client et toute l’offre de produits et de services qu’il a créé tourne autour des besoins des clients. C’est assez logique mais c’est encore plus pertinent quand celui qui est à l’origine du concept n’est pas un hôtelier. Il reprend certains codes de l’hôtellerie 5 étoiles à ses hôtels 4 étoiles.
Les basiques pour un hôtel
Il y a des choses que je considère comme primordiales dans l’industrie hôtelière. Par exemple, je déteste partir d’un hôtel en sachant que la chambre coûte un certain prix (100 euros, 500 euros, 1000 euros… peu importe, le prix de la chambre reste mon choix personnel) mais que la note comporte un ensemble de prestations supplémentaires que je n’ai pas choisies et qui coûtent 5 à 10 fois plus qu’elles ne le devraient. Le wifi par exemple : cela devrait être gratuit et pourtant, de nombreux hôtels le facturent encore. Il en est de même pour le téléphone.
Le mot favori des hôteliers c’est « monetize » (rentabiliser en français). Quant à moi, mon mot favori, c’est « gratuit ». J’aime offrir les choses gratuites. Nous proposons des chambres à des prix rentables pour nous. Cela doit être économiquement viable pour les clients également. Nous ne rajoutons donc pas de petites sommes sur leur note à la fin. Ce genre de procédé énerve. Je pense que c’est mieux de payer un petit peu plus d’emblée en sachant que tous les autres services sont gratuits. Lors de mes débuts dans le secteur hôtelier, je me souviens qu’il y avait des problèmes avec la TVA car tous les hôtels n’étaient pas transparents. Par exemple, une chambre qui coûtait 100 euros coûtait en fait 120 euros à la fin car l’établissement avait omis de mentionner la TVA au départ. La transparence c’est très important pour la clientèle. Maintenant, c’est la loi, et les hôtels doivent déclarer la TVA lors de l’affichage des tarifs. Pour ma part, je considère que cela fait partie de la durabilité de l’environnement social.
La restauration dans vos hôtels
Nous souhaitons être à la fois de bons partenaires et de bons voisins. C’est pourquoi nous n’avons pas de bar, pas de restaurant, pas de gym. Pourquoi devrais-je m’efforcer à rajouter un restaurant qui serait possiblement mal fait et qui ne serait pas forcément rentable ? La plupart de nos clients ne veulent pas de restaurant dans l’hôtel. Nous préférons leur donner des alternatives. Par exemple, nos chambres possèdent de petites cuisinettes avec micro-ondes, machines Nespresso et eau filtrée (mieux que l’eau du robinet ou des bouteilles en plastique)). Nous encourageons les clients à aller acheter leur nourriture et à se servir de leur cuisinette dans nos chambres. Il n’a pas de gênes à le faire contrairement à d’autres hôtels où les clients doivent cacher leurs achats sous leur manteau. Si les clients souhaitent consommer quelque chose, nous proposons sur notre TV une liste de lieux à Londres où ils peuvent commander et se faire livrer dans leur chambre – moins cher, plus de choix et plus vite que « le room service ». De même que nous avons une vingtaine de restaurants autour qui proposent jusqu’à 30% de réduction à nos clients.
Concernant le petit-déjeuner par exemple, nous proposons une livraison depuis une pâtisserie et café de Soho qui s’appelle Princi. Monsieur Princi vient de Milan et c’est un excellent pâtissier qui propose des produits de haute qualité. Pour la livraison, nous demandons une livre symbolique et nous ne faisons aucun profit mais cela n’est pas le but tant que le client est satisfait. Au final, cela leur coûte la même chose que s’ils y étaient allés sauf qu’ils ont pu rester tranquillement dans leur chambre.
Il faut faciliter la vie de ses clients et leur donner la liberté de faire ce qu’ils ont envie. C’est une questions d’état d’esprit à avoir.
Votre conception du développement durable dans vos hôtels
Il faut être complètement naïf pour penser que nous ne pouvons pas considérer l’environnement comme quelque chose d’important. Dans nos établissements, nous le prenons toujours en compte.
Nous essayons d’utiliser des peintures spéciales sur les murs. Les lumières doivent être toutes des LED ; les installations de chauffage et climatisation sont tous conçus avec des systèmes de réutilisation de l’énergie ; nous essayons de ne pas changer les draps tous les jours ; et nous utilisons des matériaux de récupération pour la construction de nos bâtiments. Tous nos hôtels étaient à la base de vieux bâtiments ou entrepôts que nous avons repris et transformés en hôtels. L’année dernière, nous avons d’ailleurs gagné le prix du meilleur immeuble nouveau attribué par le groupe Georgian. En plus, nous étions que la deuxième chaîne d’hôtels à Londres à avoir reçu la certification d’or du Green Business Tourism Scheme de Visit Britain… Nous n’étions même pas membres de Visit Britain mais ce que nous faisions leur plaisait tellement qu’ils nous ont offert cette reconnaissance.
Vos hôtels en quelques mots …
En quelques mots…… chambres 4 étoiles, services 5 étoiles a des prix 3 étoiles ! Nous avons plusieurs gammes de chambres : pour une personne, pour deux personnes ou pour les familles, dont les dimensions vont de 15 à 30 mètres carrés. Lorsque nous avons des familles, nous ne faisons payer aucun surplus pour les lits supplémentaires. Aucune surprise sur la note !
Nous n’avons pas de concierge. C’est un choix. Nous avons créé à la place une démocratisation des « clefs d’or ». Chez nous, tous les employés sont des concierges. Nous avons mis en place un examen interne assez poussé et basé sur la connaissance du quartier ainsi que l’art d’engagement avec le client. Ceux qui le réussissent reçoivent un badge ainsi qu’un salaire plus élevé. Nous les appelons les « Local Ambassadors ». C’est un rôle important car cela crée une relation avec le client. L’idée c’est de donner envie au client de revenir à l’hôtel car celui-ci a l’impression d’avoir des relations dans l’hôtel. Nous avons aussi d’autres systèmes de fidélisation : conservation des bouteilles des clients, offre de peignoirs brodés aux réguliers, etc…
Pour moi, ce qui compte ce n’est pas tant le nombre d’étoiles mais plutôt les sites de référencement tels que Trip Advisor. Notre hôtel à Soho est classé parmi les premiers 15 hôtels préférés des voyageurs à Londres sur plus de 1000 hôtels. Ce qui prouve tout de même que ce système sans restaurant fonctionne. Dans les quartiers de Victoria, Kensington et Liverpool, nous sommes également entourés de restaurants offrant des avantages pour nos clients. Cela génère également de la durabilité sociale : nous envoyons des clients chez nos partenaires. Nos hôtels ne sont pas simplement présents pour nous mais aussi pour les autres établissements aux alentours.
Tout ce que je mets en place dans mes établissements, c’est tout ce que je souhaiterais avoir en tant que client.
Mes hôtels se trouvent en Angleterre (3 à Londres et 1 à Liverpool). J’aimerais bien m’implanter à New York mais c’est un projet d’avenir. Pour l’instant nous sommes encore petits ; nous avons seulement 4 hôtels en Angleterre, avec 2 nouveaux que nous travaillons dessus. Paris ou Genève sont des villes qui me plaisent également et dans lesquelles j’aimerais créer des établissements.
Les enjeux de demain dans le monde de l’hôtellerie
L’enjeu principal sera toujours de trouver le bon emplacement. Il y a tellement de concurrence et d’alternatives résidentielles que ce qui peut vraiment faire la différence c’est l’emplacement. Ensuite, je dirais que c’est toujours le personnel : trouver le bon personnel avec une vraie qualité de service est très important. La propreté également a toujours été primordiale. Aujourd’hui et demain, ce qui est diffèrent, c’est la technologie et l’importance de rester « à la page »; c’est un challenge énorme pour notre industrie. Il y a un investissement constant permanent à faire dans la technologie et à cause de cela, c’est très difficile pour les petits groupes de faire face à la concurrence des grands qui ont les moyens financiers de créer des départements entièrement dédiés aux réseaux sociaux par exemple.
Laurent Delporte, éditorialiste et conférencier est un expert stratège du secteur de l’hôtellerie. Visionnaire, il apporte un nouveau regard sur l’hôtellerie au service des décideurs du secteur que cela soit au profit du développement de nouveaux projets ou de l’enrichissement de vision stratégique. Laurent a visité et audité plus de 400 hôtels à travers le monde et participé également à des enquêtes mystères pour contrôler la qualité des plus grands hôtels.